Kinshasa, 07/03/’11
Je réfléchis déjà à comment commencer cette troisième et dernière entrée. Je vois que je ne sais pas par où commencer, quoi dire et comment présenter les choses. C’est un signe que je suis de retour ici, aujourd’hui, après un mois. Les choses commencent à devenir un peu plus normales, étant donné que je suis ici maintenant, que je suis revenu et que je suis vraiment présent et je dois déjà quitter).
J’ai des difficultés à choisir les choses que j’aimerais bien partager. Il n’y a pas de doute que le but des notes de terrain c’est précisément de rapprocher et d’intégrer l’excitation et la banalité, la surprise et l’ennui afin de permettre par après la reconstruction de cette tension, lors de la relecture des données dans un autre lieu et dans un autre temps.
Cette tension, je crois, se présentera au moment de relire mes notes, et donc ce que j’écris ici sont des représentations flottantes dans l’océan, en essayant de rendre les choses visibles suivant les régimes de visibilités, invisibles à l’ici et le maintenant ou à où et quand je suis alors juste.
Je reviens d’environ trois heures de service à l’église. Le Ministre angolais de l’église qui est en séjour ici a parlé pendant environ une heure en portugais (avec traduction en lingala).
Cependant il y a beaucoup à apprendre et à observer, la manière de parler, le contenu du discours, l’interaction entre le leader religieux et les fidèles assis, chantant; les références à la hiérarchie ecclésiastique et ses titres d’autorité, les boucles d’oreilles en or de la dame devant moi, l’intimité de la prière en japonais que tout le monde aime réciter à haute voix, l’offre que l’homme en abacos à coté de moi m’a faite d’acheter certaines de ses terres en dehors de Kinshasa pour y construire, la dame balayant le sol pendant le service, l’homme endormi à ma gauche, les compositions musicales locales à la gloire du Messie japonais, les nombreuses références symboliques au catholicisme, les performances écrasantes des témoignages publics, des actes et des miracles accrédités à la force spirituelle de l’église….à la fin, je dois admettre que trois heures peuvent être trop longues si vous savez que vous avez seulement encore deux jours et envie de faire mille choses à gauche et à droite.
Mon instant le plus marquant des dix derniers jours fut sans doute l’activité de nettoyage par l’EMM du rond point victoire et de la marie de la commune de Kalamu. Une vue inoubliable, en arrivant au rond point victoire et ne voyant rien d’autre qu’un énorme nuage brunâtre de poussière qui entourait la pyramide, semblable au Monument des artistes, généré par un sphalanx concentrique d’adhérents messianiques, balayant de manière synchronique le pavement de ce rond point public qui est spirituellement significatif dans l’imaginaire des Kinois.
Etant photographe officieux de l’EMM j’ai pris environ 428 photos.
Lorsque le nettoyage du Rond point fut terminé, la prochaine étape consistait à nettoyer la cours de l’hôtel de ville proche, ainsi que ses bureaux (!), y compris la Marie!
Et le nettoyage ici ne signifie pas un coup de pinceau symbolique pour le plaisir d’être vu avec une main dans la poche, attendant que quelqu’un d’autre puisse continuer…. Non c’était une activité religieuse fervente, avec zèle et sans se dérober des tas des déchets publics.
A l’exception des toilettes le mur de la ville et ses immeubles adjacents, y compris les fenêtres et les escaliers, ont été balayés et brossés avec du savon et de l’eau. En balayant moi-même la cour je me souviens d’avoir joué avec les perspectives analytiques d’une part d’une activité clairement basée sur les convictions religieuses, et d’autre part un mouvement religieux nettoyant les bureaux exécutifs politiques, visant à définir un modèle, avec des fonctionnaires assis sur des chaises en plastic, regardant. Et puis, curieusement, il y a parmi eux un gars blanc de la Belgique, aidant également à nettoyer cette Mairie congolaise, avec un mouvement qui prône religieusement la propreté japonaise.
De retour le soir à la maison, épuisé et plus ou moins plein d’admiration pour la journée, mon frère congolais P. m’informe du décès à la porte voisine d’une jeune fille de 22 ans. Son avortement de la grossesse à un stade avancé avait échoué et l’avait tuée. Le médecin responsable avait apparemment été arrêté et le petit ami de la jeune fille avait fui. La stigmatisation sociale entourant la grossesse avant le mariage et l’avortement est forte ici…
C’est fut un soulagement de passer une journée entière, le mardi, avec le prof Kabuta et son équipe, montant une colline dans une banlieue de Kinshasa, partageant des causeries informelles et les éléments stylistiques de l’écriture de la poésie orale africaine ‘auto éloge’ (Kasala).
J’ai aussi rencontré sur le campus de l’UNIKIN trois professeurs (et je me suis réalisé combien de recherches dans les bibliothèques et les facultés locales je dois encore faire).
Puis il y a eu la séance de prière de mercredi à Mokali, Kimbanseke, qui a été combinée avec une session d’enseignement et de débat sur l’usage des fleurs dans l’église…(Matériaux très utiles, entièrement enregistrés). J’ai aussi continué à mener des entrevues (c’est à dire des causeries) avec les responsables de l’église et les adhérents. Parfois en partagent une bière sur une terrasse à l’heure des moustiques, après le temps des devoirs lorsque le service de l’église était terminé.
Le vendredi dernier, nous avons eu une réunion du Réseau des recherches Congo.
Les environs était très bruyants et je suis fier d’avoir évité à l organisatrice, Katrien, d’arriver en retard en la transportant sur ma moto. Elle était coincée dans les interminables embouteillages.
Il y avait beaucoup d’intérêts exprimés à l’égard des échanges sur les recherches, sur les motivations et les matériaux à travers cette nouvelle Platform électronique.
Mais c’était gênant que la plupart de personnes devait quitter tôt. Mais il y aura des autres occasions, j’espère.
Mon séjour ici à Kinshasa se termine dans deux jours. Evidement, ça a été trop court car je ressens comme si je venais d’arriver. Peut-être qu’une soirée au Beaumarché (bière, viande de chèvre et danse) me donnera une consolation, avant de quitter.
Bien que le calme de Kingabuwa, avec une bière, les étoiles (ai-je fait mention de l’éclipse de la lune il y a deux semaines) et rien d’autre que les chants des grillons, une forte, précieuse et incomparable ambiance
En attendant, j’essaie encore de rassembler quelques découvertes provisoires dans mon rapport écrit. Etant donné que j’étais ici seulement pour quatre semaines, je suis plutôt satisfait de ce que j’ai réussi à faire. Maintenant il y a beaucoup de lectures et de travail des données qui m’attendent.
Ecrire ces trois entrées a été agréable, nécessaire et aussi une bonne formation, peut être en écrivant pour d’autres personnes que pour moi. J’espère que le blogueur suivant arrivera à écrire quatre entrées et pas uniquement trois par mois comme je l’ai fait.
Comme d’habitude, les suggestions, les références et commentaires sont les bienvenus.
Mes salutations à tout le monde qui m’a lu.
Dans l’attente des entrées suivantes…Pierre
(traduit de l’anglais par Julie Ndaya)
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