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Field notes

4th entry by guest blogger Prof. Dr. Dieudonné Iyeli Katamu

LES CHANTS DES MILITAIRES CONGOLAIS

 

L’armée de la République Démocratique du Congo a une histoire riche en événements heureux et malheureux.  Cette armée vit depuis les indépendances les réalités indescriptibles. Pour celui qui veut étudier les réalités de celle-ci, l’analyse des chants des militaires exécutés par des recrus et lors des crosses, de l’accueil des autorités, ou d’autres circonstances de la vie militaire.

Le répertoire de ces chants est aussi riche et varié. Il offre au chercheur une mine d’informations sur le malaise socio-professionnel d’une armée qui a un nombre impressionnant de généraux, d’officiers supérieurs et soldats mal payés et logés dans des conditions parfois infrahumaines. Ce malaise est si grand surtout quand on sait qu’il y a de ces militaires qui sont devenus officiers, officiers supérieurs que par un accident de l’histoire. Et ceux-ci  parachutés à des grades supérieurs sont appelés en fonction de leurs grades, à commander les militaires compétents.

Le malheur du militaire congolais, c’est de naître dans un Etat ingrat qui ignore le prix de ses sacrifices, qui fait fi de sa noble mission. Un Etat qui demande les sacrifices et la compréhension aux uns alors que les maisons des autres chantent prospérité. Dans un tel contexte, les chants des militaires peuvent avoir un effet cathartique réel.  Ils peuvent être des faits révélateurs d’une angoisse existentielle qui mine les hommes des troupes de l’armée congolaise.

Les chants des militaires touchent à divers aspects de leurs vies. Ils abordent aussi bien les mésaventures de la guerre qui, du reste, est considérée par certains comme une bonne chose si l’on ne meurt pas, ou si l’on n’est pas blessé. La gestion des butins de guerre sous l’œil vigilent du chef, la mésaventure des épouses militaires pendant le temps que leurs maris se retrouvent aux fronts, la relation entre les militaires et le personnel militaire féminin (P.MF), l’indiscrétion des autorités, le détournement des rations alimentaires par les autorités hiérarchiques, le statut des recrus… Bref, les différents chants des militaires congolais dressent ainsi un état de lieu de l’armée congolaise.

Il est vrai que le lingala est la langue de l’armée congolaise. Mais avec l’avènement de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo, AFDL en sigle, le swahili était devenu pour une courte durée, la langue de  l’armée. C’est ainsi que les chants des militaires congolais sont généralement en lingala et en swahili, deux langues les plus importantes du pays mais aussi concurrentes dans la récente histoire politique de la République Démocratique du Congo.

Si certains chants ont un contenu qui se dévoile facilement, d’autres par contre, sont  exprimés d’une manière voilée. Ce qui exige le recours à l’expertise des initiés en vue de découvrir le secret d’un langage à clé ou d’un langage mi-voilé, mi-dévoilé. Sans quoi, on court le risque de passer outre le message réel qui est envoyé.

Quelle est la place de la chanson dans l’armée congolaise ? Pourquoi les militaires congolais aiment-ils chanter ? Qu’est-ce qui justifie la prédominance des chants ayant trait à l’amour et au sexe dans l’univers des militaires congolais ? Quelle est la nature des relations que les militaires congolais entretiennent entre eux (supérieurs-subalternes, hommes-femmes, etc.) ? Quelle est la nature des relations que les militaires congolais entretiennent avec les civils ? Quelle place les chants des militaires congolais accordent-ils à la religion ?

Puisque les chants des militaires congolais abordent toutes ces préoccupations, notre recherche s’efforcer de trouver des éléments de réponse à travers les différents chants entonnés dans des circonstances diverses. N’oublions pas que les chants constituent une matière importante pour déceler les différentes préoccupations d’un groupe social, d’une catégorie sociale et les différents problèmes éprouvés au cours d’une période déterminée de son histoire. Ces chants où mélancolie et joie logent dans un même hôtel, constituent un puissant moyen d’expression. Notons qu’à travers les chants, les militaires congolais expriment leurs réalités quotidiennes, leurs aspirations. Ils adressent aussi à leur manière, certaines critiques aussi bien à la société qu’à leurs autorités hiérarchiques. Question de bien pénétrer le contenu de leurs chants et surtout de rechercher les non-dits qui, dans certaines circonstances, peuvent être porteurs d’informations précieuses.

Signalons que dans le domaine de la communication, certaines informations importantes se retrouvent non pas dans le dit mais dans le non-dit. Négliger le non-dit, c’est passer à côté de la plaque et par conséquent, manquer les informations dont on a besoin.

La République Démocratique du Congo ayant connu dans son histoire une phase où une partie de sont territoire fut sous l’occupation des armées étrangères telles que UPDF (Armée Ougandaise) et l’APR (Armée Rwandaise), elle garde dans les chants de son armée certains chants d’origine étrangère. D’où, il nous faut nous exercer pour ne retenir dans notre analyse que les chants réellement congolais. Ceci s’avère un exercice difficile mais indispensable pour déceler ce que pensent réellement les militaires congolais, à travers leurs propres compositions surtout quand on sait que ce pays est un scandale musical. Et pour reprendre l’expression de Manda Tchebwa, la République Démocratique du Congo est la terre de la chanson.

A travers cette recherche, nous visons également de déceler à travers les chants des militaires, les différences intergénérationnelles et des différences entre les diverses époques historiques ou les différents régimes qu’a connu la République Démocratique du Congo. En d’autres termes, nous aimerions savoir si les militaires d’autrefois avaient les mêmes préoccupations que les militaires actuelles mais aussi si les militaires de l’époque de Kasa-Vubu sont différents de ceux de Mobutu. Et si ceux évoluant sous le régime de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo, AFDL en sigle évoquent dans leurs chants les mêmes problèmes que ceux évoluant sous le régime de Joseph Kabila.

A travers cette démarche, nous voulons vérifier si les militaires congolais sont les mêmes ou pas durant les différentes phases de leur histoire ou selon les générations. Ce qui peut nous permettre de se faire une certaine idée sur cette armée et surtout sur les problèmes de celle-ci.

 

Dieudonné Iyeli Katamu

Tél. : (+243)812674408

Email : iyelikatamu@yahoo.fr

 

 

 

 

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About Congo Research Network

The Congo Research Network (CRN) is a community of researchers working on DR Congo and its diaspora across the Humanities

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